Peux-tu te présenter ?
Je suis un créatif. Musicien, chanteur, sculpteur, en groupe, en solo, sous différents noms (GOO GOO BLOWN (le bonhomme) et BLÄTTER FÜR DIE KUNST pour l’essentiel), ce n’est que très récemment (deux ans environ) que je me suis lancé dans la poésie, avec mon nom, ou plutôt celui de ma femme, puisque j’ai pris le sien. J’en parle dans un poème d’ailleurs.
Depuis quand écris-tu ?
Depuis mes 15/16 ans je pense, des chansons, beaucoup. Musiques et textes. Tout partant de la musique. Depuis les années 2000, j’écris des textes seuls, enfin... plutôt des bouts, des bribes, dont je n’avais jamais rien fait. Un premier poème achevé en 2017, « Equus », quelques un en 2018 et depuis mars 2019, plus rien de m’arrête. Et surtout, je ne laisse plus rien dans un coin trop longtemps.
Comment s'est passée ta rencontre avec la poésie ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire ?
Comme tous, des récitations en classe et sans doute des études très scolaires. Rien de marquant. Je me souviens adolescent m’être adonné à Boris Vian et Prévert. D’avoir aimé comme tant d’autres Le Cercle des Poètes disparus. Par la suite, sans doute la vague spokenword avec des artistes comme Saul Williams, Mike Ladd notamment dans sa collaboration avec le pianiste Vijay Iyer sur l’album In What Language?. Puis en y faisant attention, on se rend compte qu’on y revient toujours, d’une manière ou d’une autre, comme des respirations dans le quotidien. Beaucoup de chanteurs ont un répertoire poétique : Bashung, Higelin père et fils, Arman Méliès. Aujourd’hui j’essaye de m’enrichir, découvrir davantage d’auteurs, aussi bien classiques que contemporains.
Quelles sont tes sources d'inspirations ?
Probablement tout peut mener au poème. Un son, une image, un mot. J’essaye de lire, je regarde des films, des documentaires, écoute la radio, mais finalement c’est peut-être le quotidien qui marque le plus. Des petits riens qui permettent presque tout.
Qu'est ce qui t'a amené à cette forme/structure poétique ?
De mon point de vue, c’est la forme la plus libre pour exprimer, faire ressentir. Si le rythme est essentiel, la sonorité des mots, j’écris en vers libres, chaque retour à la ligne, fait office de ponctuation, les lignes sautées de respiration. Pour autant, je reconnais la justesse profonde d’un alexandrin.
As-tu des routines pour écrire ou trouver l'inspiration ? Des objets fétiches ?
J’ai trois manières d’écrire : au stylo bic dans des carnets, directement sur l’ordinateur ou sur mon téléphone portable. Ce sont généralement de premiers jets. Je reprends ensuite tout sur ordinateur jusqu’à trouver le parfait équilibre. L’écriture a généralement lieu le matin ou tard le soir.
Pourquoi choisir d’écrire sur Instagram ?
Je ne sais pas si on peut dire que j’écris sur Instagram. Je propose des extraits de poèmes beaucoup plus longs. L’idée est de titiller les sens, donner à celles et ceux qui apprécieraient, l’envie d’aller plus loin. De découvrir ce que je fais. Après, les extraits pourraient aussi se suffirent, là encore, je cherche les mots qui font sens.
As-tu des projets en cours ?
Je viens de sortir un premier recueil chez @editions.harmattan, Prémices d’un après. Poèmes intimes, qui constitue pour moi un point de rupture avec ce que j’ai pu faire avant, ou plutôt une renaissance. Différents musiciens travaillent actuellement à une mise en musique d’une partie du recueil. L’idée est de sortir un album en septembre et de proposer un spectacle.
Sinon je suis en train de finaliser mon second recueil, des poèmes beaucoup plus engagé et je pense que deux autres seront terminés d’ici la fin de l’été. J’ai en fait une quarantaine de recueils en tête. Cela peut paraître un peu fou, pour autant les choses sont assez claires dans mon esprit, je sais où je vais. Et comme j’écris un poème tous les deux-trois jours, cela fait une centaine par an… donc un recueil.
As-tu des poètes contemporains à nous conseiller ? Ton ouvrage/musique/film préféré ? Tes derniers coups de cœurs ?
J’aime beaucoup François de Cornière (publié au Castor Astral, @lecastorastral), une poésie simple, du quotidien, trouvant toujours les mots justes. J’aime aussi ce que j’ai entendu d’Abdellatif Laâbi ou Michel Garneau. Jean-Pierre Siméon aussi, comme son regard sur la poésie.
Pour mes amours, The Divine Comedy, Mark Lanegan, le post-rock et Tom Waits pour la musique ; Phatom of the Paradise de Brian de Palma, Wes Anderson, Jim Jarmush pour le ciné ; les bandes dessinées de David B.
Je ne sais pas si j’ai vraiment eu des coups de cœur récemment. Des choses que j’ai bien aimées comme Jojo Rabbit, film de Taika Waititi ou un poème de Cécile Coulon (@cec.coulon) qui s’intitule « Pour une robe blanche à fleurs rouges ». Sinon, je regarde la chaîne YouTube Boneless Archéologie de Jennifer Kerner, notamment ses études autour des rites funéraires, et plus récemment les apéros-poésie de Bruno Doucey, confinement oblige.
Quel livre de poésie apprendrais-tu par cœur ? ou musique ?
Je pense que si je devais apprendre quelque chose par cœur, j’ai pourtant peu de mémoire, ce serait sans doute Les Contemplations de Victor Hugo, un classique essentiel, Verlaine aussi. La parfaite écriture. On comprend ce qu’est alors un grand écrivain. Un chaque lent crépuscule de Wilfred Owen, poète au cœur de la Première Guerre mondiale ou Requiem d’Anna Akhmatova dont l’écriture m’enchante à chaque fois.
Tu peux diner avec 3 poètes lesquels et pourquoi ?
Vivants : François de Cornière, @editions.bruno.doucey, poète et éditeur, parce que j’ai l’impression de les comprendre, de parler leur langue. Diner c’est passer un moment agréable alors autant le faire avec des amis. Pour le troisième, je ne sais pas trop, le fantôme d’un classique pas trop pesant. Je viens de lire un poème de Laurence Vielle dans une anthologie, alors autant ouvrir sa table, rencontrer de nouvelles voix. J’avoue que j’aurais sans doute eu plus de difficultés à faire le tri dans les musiciens.
Quelle activité s'apparente le plus à la poésie ?
Écrire de la poésie, c’est comme chanter ou jouer d’un instrument de musique, ça vient de l’âme, on habite chaque lettre, chaque note, pour vibrer soi, et tenter de faire entendre à l’autre sa résonnance.
Un ou des comptes insta à conseiller que tu apprécies ?
Il y a pas mal de choses, ici et là, mais on trouve généralement des textes de qualité chez @barbarabfrieden, @lepoidsdesfleurs ou @charasseevelyne par exemple ; quelques québécois comme @md_poete, @suzannervr, @tonitruante_, ou @fp.arsnlt ; des classiques chez @lecercledeslecteurs, et puis un peu de fantaisie avec @ernestdejouy.
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Notre poète du jour nous partage une source d'inspiration dans les mots de François de Cornière et de son recueil Ça tient à quoi ? (Ed. Le Castor Astral).
Comme il nous l'a indiqué : qui se cache derrière cet homme ?
« François de Cornière est un poète du sensible, de l’intime. Il a beaucoup écrit autour de la maladie et du décès de sa femme. Si ce n’est pas le sujet de ce recueil, il y a encore sa présence, même dans les non-dits. C’est de mon point de vue un auteur extrêmement riche, pas le plus connu, peut-être pas le plus impressionnant, mais le plus juste. Et pour moi, c’est un travail essentiel ».
Pour s'immerger dans son oeuvre
François de Cornière « Quelqu’un a toussé dans le disque ».
Ça tient à quoi ? (Ed. Le Castor Astral, 2019)
Hier je me suis passé et repassé
le CD de Keith Jarrett
enregistré en public
à la Scala de Milan 1975.
Dans les deux premiers morceaux
on entend la voix de Keith Jarrett
qui – par instants –
accompagne ses improvisations
un peu comme le faisait Glenn Gould.
On ne peut pas dire qu’il chante
mais il est là – derrière –
avec sa voix.
Dans le troisième morceau (une interprétation toute en délicatesse de « Over the Rainbow »)
on entends – à peine perceptible
et venant de la salle –
une très légère toux.
C’est le passage que j’attends
le moment où quelqu’un
– j’imagine une femme –
a toussé dans le disque.
Je ne sais pas pourquoi
j'aime cette minuscule écharde.
Comme une présence
qui viendrait me dire « je suis là ».
Simplement.
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